La roue du destin feat Serafim

Tourne tourne... O Fortuna, Velut Luna, tu es variable... 
Les lumières nocturnes avaient repeint la ville de sa face nouvelle. Serafim commençait à la connaître à présent, avec ses rues humides et mousseuses, ses silhouettes fantomatiques se glissant au détour des ruelles et ses lanternes accrochées aux fenêtres. L'air du soir le frappait en rafale, sifflant entre les habitations et jusque dans ses plumes qu'il s'était autorisé à laisser à l'air libre pour cette fois. Il fredonnait à demi voix, perdu dans ses pensées et les bras serrés contre sa besace. Une inspiration, un regard distrait et sa cape passa de nouveau sur ses épaules. Le chat Luné, on l'entendait de loin. Cela tombait bien, la lune commençait à poindre le bout de son nez au delà des couleurs du soir. 


Il n'avait presque plus senti la présence discrète de Seth contre ses épaules. Indicible, mais tellement rassurante. Son protecteur passa devant lui pour s'avancer vers la porte en bois. De dessous, on entendait la musique, les rumeurs des rires gras et de l'alcool à l'écœurement. Ses mains tremblantes se serrèrent contre son sac. 

-Faites moi signe si  vous constatez   quelque chose, un sifflement, un mouvement, un geste qui puisse m'interpeller. 
-Je resterai prêt de la scène, prêt à prendre le relais si besoin. Sifflez moi au besoin, ça ne devrait pas paraître trop suspect. 

Souffla t-il, soudain peu certain d'arriver à l'interpeller aussi bien. Ses lèvres se pincèrent et son regard se teinta d'une onde glaciale. S'il devait se battre, il le ferait sans sourciller. Du moins il l'espérait. Le liano sursauta en sentant la poigne chaude de Seth se glisser contre la sienne, l'entrainant à l'intérieur. 
Immédiatement les couleurs, les sons, les lumières le frappèrent et il baissa la tête sous sa cape par réflexe. Ses yeux filaient partout sans arriver à se poser. Il suivit le prince trivial du regard alors qu'il s'avançait vers le tavernier vulgaire qui se mit à beugler comme un putois. Petit sourire en coin en le voyant utiliser sa méthode précédente. Oui bon, on sait que tu as pas besoin de pouvoir pour y arriver, songea t-il l'air désabusé, soufflant du nez. Un peu en retrait, il le vit revenir et s'approcher prêt, prêt, TROOOOP prêt, ses lèvres montant jusqu'à son oreille et le figeant, le coeur palpitant. 


-Prenez garde mon prince.
-J'en dirai autant mon altesse. Ne partez pas la où mes yeux ne pourront pas vous atteindre. 

Répondit-il du tac au tac, une expression peinée passa sur son visage alors qu'il se détournait. Ses cheveux d'ébène tombaient sur sa silhouette svelte comme un voile funeste. Serafim tendit la main en murmurant "Seth, attends" mais le son qui s'échappa de ses lèvres était inaudible. Il resta là, pantelant, confus de ses propres sentiments et de la peur qui commençait à l'assaillir. 

Reviens. 


Reviens. 


Reviens. 


Seth, reviens. 

Boucla t-il en oubliant de respirer. Et si c'était la dernière fois qu'il le voyait ? Allait-il l'abandonner lui aussi ? La musique prenait des accents étouffés, tout autour de lui se déformait, les rires paraissaient trop forts, les gens trop grands, la fumée trop épaisse. Après tout, il avait été si indécent, si ennuyeux, si.. Tellement.. Non. Non, il y avait beaucoup plus important. L'air rentra de nouveau dans ses poumons, une main se posant contre sa poitrine en exhalant tout doucement. La. C'est mieux. 

Serafim tira sa capuche vers l'arrière et commença à observer les environs. Sa broche épinglée à ses vêtements glissa à sa ceinture, ses doigts délicats s'y apposant, prêt à la faire siffler dans les airs à la moindre alerte. Il s'avança jusqu'à la scène où le spectacle commençait, jetant un oeil à Seth qui rayonnait sur scène, parfaitement à sa place au milieu des danseuses. Ah, si on m'avait dit un jour que je verrais ça ! Songea t-il en levant les yeux au ciel. Il n'aurait même pas osé l'imaginer. Au moins ici sa noble complexion risquait plus d'attirer les regards que les soupçons...

Le blond passa en revu les nouveaux arrivants, cherchant un visage un tant soit peu familier. Se dissimulant entre les spectateurs qui commençaient à se serrer autour de la scène ou sur les tables beaucoup trop pleines. Ceux qui l'avaient enlevés n'avaient pas été très discrets sur leur identité, s'il les avait écouté palabré il connaîtrait tout de leurs misérables vies. Comme ils prévoyaient certainement de le tuer, qu'importe s'il voyait leur face comme son dernier cauchemar, pas vrai ? 

Il s'installa à une table proche de la scène, mais légèrement à l'écart pour observer le lieu dit. Sa cape glissa le long de ses épaules et il s'installa sur la table en croisant les jambes, portant à ses lèvres l'air de rien un mégot égaré sur le cendrier. Ses prunelles bleus filaient partout, les lumières s'assombrirent quelques peu alors que la danse folklorique débutait. Les yeux de tous étaient posés sur les danseurs, mais pas ceux de Serafim. 

Là... Les hommes qui venaient d'arriver dont le grand balafré lui disaient vaguement quelque chose. Ils s'installèrent aux tables vides, quelques rangs plus loin en riant grassement et sifflant les danseuses. Le prince décida d'attendre un peu, il ne voulait pas s'approcher des mauvaises personnes, dans tous les sens du terme. 

Les minutes défilaient, Serafim sentait qu'il devait prendre une décision. Ranimée par quelques braises il inspira une longue bouffée de la cigarette qui lui piqua la gorge, la relâchant dans les airs avant de se lever. Plusieurs chemins s'offraient à lui... D'abord, ces hommes. Leurs visages ne lui disaient rien après les avoir longuement observé, mais leurs voix... Leurs tons gras, craquelés, étaient bien familiers. Il y avait aussi cette femme, très belle et au regard froid qu'il avait croisé quelques fois dans la masse sombre des spectateurs. Le liano avait prit le temps de l'observer lui aussi. Elle semblait surtout intéressée par les hommes du fond, il songea qu'elle pourrait certainement le renseigner. Le serveur l'avait traitée comme une habituée. 

Une légère inspiration et il quitta son coin sécuritaire, attrapant un plateau et une choppe discrètement sur une tablée inattentive et s'avança vers elle. 

-Bonsoir. 

Murmura t-il d'un ton chaud et enjôleur. 

-Je suis nouveau, c'est mon premier soir... Vous avez l'air d'être une habituée, je me trompe ? 

Il posa doucement la choppe sur la table en bois dans un bruit mat. La grande Elfe le jaugea du regard, suspicieuse. De ses lèvres, une baguette fumante s'en détacha de ses doigts gantés, silencieuse. A côté d'elle, une dague épaisse posée bien en évidence au milieu des verres et des assiettes vides. Serafim y jeta un oeil mais ne s'attarda pas, prenant place sur le siège vide à côté d'elle, attendant un signe 


-... On peut dire ça oui. 

Sa voix grinçante s'alliait parfaitement à son apparence imposante et dangereuse. Le liano se retient de soupirer de soulagement, ses yeux bleus s'éclairèrent de mille lumières alors qu'il posait les coudes sur la table, le menton au creux de ses paumes. 

-Génial ! Je suis Zélos, vous êtes ? 
-... 

Petit silence ou ses yeux se posèrent sur ses ailes noires, elle semblait analyser chaque petite parcelle de son corps avant de lâcher un long soupir ennuyé 

-Lucrèce. 
-Enchanté! Alors... Comme vous connaissez bien l'endroit, je me demandais si vous pouviez me renseigner sur ces hommes, là-bas. 

Un léger tic nerveux agita ses lèvres et elle darda ses prunelles dorées sur les messieurs aux allures sombres. 

-Pourquoi ? 
-Eh bien, tous les serveurs ont peur d'eux, mais personne n'a voulu me dire pourquoi. J'aimerais savoir à qui j'ai à faire avant de m'approcher vous voyez. 

Elle le jaugea, un petit ricanement s'échappa de ses lèvres alors que ses yeux passaient le long de ses vêtements 

-T'es un prostitué ? 

Serafim ne broncha pas, soutenant son regard avec la même intensité. Il contint un tremblement et son coeur battant, il avait tant la sensation qu'elle lisait en lui comme dans un livre ouvert. 

-En quelques sortes. 

Un soufflement du nez et elle reporta son attention sur le petit groupe, attrapant sa longue pipe du pouce, de l'index, les désignant un à un. 

-C'est une communauté de chasseurs de prime de Lymarius. Ils acceptent n'importe quel boulot pour de l'argent sale, j'te conseille pas de t'y frotter. Enfin, à tes risques. Lui, c'est Garou. La tête de file. 

Elle s'était légèrement penchée en avant, abaissant son ton en montrant l'homme à la cicatrice. Garou... Serafim silencieusement gravait son nom dans son esprit, dans ses yeux un éclat froid. 


-Quel genre de boulot ?
-J'te l'ai dis, ils ont des yeux partout, ces enflures raflent toutes les primes, n'importe lesquelles. Même les plus crades. 
-Et les.. enlèvements ? 

Elle se figea, haussant un sourcil en se renfonçant dans son siège. D'une main elle attrapa sa choppe en y trempant les lèvres. 

-ça t'intéresse ? 
-Oh non, c'est qu'avec toutes ces rumeurs de prince disparu, de guerre, c'est inquiétant. Merci des renseignements ! 

Il se releva presque d'un bond, tout sourire et éclatant comme un rayon de soleil. Il attrapa son plateau et fila jusqu'au bar. Enfin il avait la sensation que l'air rentrait de nouveau dans ses poumons, il respira pleinement et attrapa des bières que le barman avait disposé sur le comptoir en les posant sur son plateau. 
Oui bon, il n'était pas serveur, mais c'était parfait de prétendre. Il réarrangea ses cheveux et glissa du côté de la scène pour jeter un oeil à Seth. 

Tout en sueur, il dansait avec la même énergie, il croisa son regard l'espace d'un instant et lui sourit faiblement. Ce qu'il était beau. Mais Serafim n'avait pas le temps de contempler ou la tête pour s'y intéresser, mais il était fier de son élève d'un soir. Il aurait aimé lui parler, mais cela semblait compromis alors il attendit qu'il le regarde de nouveau pour désigner d'un geste le groupe du fond. 
Il allait le faire, il allait y aller... Ils n'avanceraient pas si il n'interrogeait pas les principaux intéressés. Il fallait que Seth distrait la foule encore un moment, que l'attention ne soit pas sur eux. Car il savait que ce genre de groupes, tous les regards étaient dessus à la moindre incartade. 

Ma chose. 

Serafim s'était figé en voyant Seth descendre élégamment de la scène pour poser pieds à terre et se mouvoir dans la foule qui s'écarta sur son passage, sifflant, acclamant. Mais son attention semblait dirigée bien autre part; SUR Garou. Le coeur du liano manqua un battement en le voyant se rapprocher encore et encore. NON. 
Son sang glacé dans ses veines, le visage tordu par l'inquiétude, il le vit s'asseoir sur les genoux de l'homme à la balafre. En entendant ses brèves paroles, la rage qui bouillonna dans son ventre le fit serrer les poings si fort. Sa mâchoire se contracta et il s'avança de quelques pas, incertain. Avancer ? Laisser Seth faire ? Non, il ne pouvait pas, il avait croisé une nouvelle fois son regard. Il ne pouvait pas le laisser aux mains de ces merdes répugnantes, rien que ses doigts qui filèrent contre ses cuisses lui donnèrent la nausée. Serafim se força à détourner ses prunelles froides, respirer lentement par le nez pour calmer l'accès de colère qui électrisait son être entier et qui risquait de lui faire faire une idiotie.

Seth, le prince, faisait ça pour lui. Il était ici pour l'aider à trouver des réponses. Il devait se contrôler, surmonter sa répugnance. Mais qu'ils le touchent lui en particulier, il ne pouvait pas le laisser faire. Lentement, il se débarrassa de sa cape qu'il déposa sur le dossier d'une chaise et tira sur le col de sa chemise. Il était tellement, tellement reconnaissant. Mais il ne voulait pas que ces mains impures le souillent de la sorte, surtout pas pour lui. Il n'en valait pas la peine. Serafim s'avança jusqu'au petit groupe, s'appuya légèrement sur la table en croisant les jambes. Ses petits chiens grommelèrent et Garou inclina la tête, détachant difficilement le regard de son hôte. 

-Bonsoir, ravi que mon danseur vous plaise. 

Souffla t-il d'un regard enjôleur, doux sourire se peignant sur ses lèvres. Sa main remonta lentement jusqu'à son cou et il observa ses ongles, haussant un sourcil. De l'autre, il attrapa une paille qui trainait dans un verre. Les deux subordonnés grognèrent plus fort. 

-Malheureusement les services pour ce soir sont clos messieurs.
-Quoi ? D'quoi tu t'mêles ? C'pas valable pour nous, sale putain. 
-Vous acceptez les extras dans ce cas ? Si vous êtes, oh ! Tellemeeent riches... 

Serafim s'était levé, passant derrière la chaise de Garou et glissant délicatement ses doigts contre sa poitrine pour l'étreindre. L'homme, figé, coincé entre les deux princes sans même le savoir tourna un peu la tête pour l'observer 

-Pour qui tu te pr..

Sa phrase mourut dans sa gorge. Comme le barman, il phasa quelques instants dans le vide. Les prunelles de Serafim brillèrent d'un léger éclat blanchâtre alors qu'il glissait la paille entre les lèvres du balafré, en croquant l'autre bout pour le regarder au mieux dans les yeux. Que seul lui puisse le voir. Ange hypnotique, cruel Séraphin, ses ailes noires s'agitèrent dans son dos et il lui caressa l'angle de la joue. Ses lèvres lâchèrent la paille et il murmura à son oreille 

-Et si nous allions profiter maintenant de vos talents, mon hôte ? Dehors...? 

Son ton suave, ses mèches dorées caressant délicatement ses joues rosées, sa hauteur qui le surmontait et surtout son regard, glacial. Serafim savait, lui. Mais ce que l'autre ne savait pas, c'était le terrible théâtre mental qui se déroulait dans son crâne. En boucle, il se répétait toutes les injures possibles, oh qu'il rêvait de lui mettre un couteau sous la gorge, mais patience. Sa proie n'était pas tout à fait à sa merci. L'autre entrouvrit les lèvres, la paille tombant à terre. Ses petits yeux sombres filèrent sur Seth, puis Serafim. Bien sur, un homme comme lui ne se contentait pas de peu. 
Le blond coula un oeil en direction de son partenaire. Allait-il retourner danser ? Distraire ces hommes pendant qu'il l'interrogeait ?... Venir ? C'était risqué, mais Serafim prenait le pari d'agir aussi. Tic tac, la roue tourne. L'effet ne sera pas éternel. 

A quelques pas devant, Serafim garda un œil attentif sur Garou et Seth qui le guidait par la main. Bien, il devait continuer à garder le contact visuel pour ne pas le perdre, tant mieux, maintenant qu'il était dans leur filet il ne comptait pas le lâcher. Encore un peu... L'air frais lui fouetta le visage et il inspira, s'avançant dans les rues sombres et inanimées. La porte se referma derrière eux. Les yeux glacials, il laissa Seth s'approcher prêt de son oreille. 

-Je reste près de vous... Demandez lui ce que vous  voulez. Je ne le laisserai pas vous faire du mal.

Serafim ne répondit rien, un tout petit sourire étira sa bouche et son pouce se pressa contre ses lèvres. Serait-ce une pointe de colère dans votre voix, Prince ? Il n'avait pas du apprécier de se faire toucher par ces mains souillées. C'était aussi le cas du Liano. Mais qu'importe, il hocha la tête et s'avança de sa démarche souple jusqu'à Garou, glissant ses mains dans les siennes en souriant. Il l'amena un peu plus loin dans une rue mais restant à portée de vue de Seth qui s'était dépeint de son joli rôle pour retrouver sa carrure froide et dangereuse. 

Tout en douceur, Serafim le guida contre un mur sans le quitter des yeux, ses doigts s'entremêlèrent aux siens et ses lèvres partirent contre sa nuque. Un léger grognement et le corps du criminel se pressa contre sa poitrine, le liano remonta délicatement sa cuisse sur la sienne. Ah. Si réactif. Son souffle chaud dans ses cheveux lui indiqua que tout fonctionnait, des relents d'alcool lui parvenaient par à coup. Les mains baladeuses de Garou se posèrent sur sa taille, appuyant contre ses os fins qui pointaient sous les tissus. 

-Il vient pas la danseuse ? 

Grommela t-il, tirant sur la chemise de Serafim, les doigts abimés effleurèrent sa peau froide et le prince recula de quelques centimètres, souriant 

-Il arrive, Garou...
-Attends... Tu sais qui j'suis ? 

Le prince releva légèrement le menton, passant son doigt sur celui de l'Homme imposant qui lui faisait face. Flamme dans le regard, il éclata de rire 


-Qui ne le sait pas ?

Serafim redressa un genou, sa botte vient s'appuyer sur le mur et sa paume droite appuya fermement sur la poitrine de Garou pour le forcer à rester tout contre le mur. Il lui coupait toute échappatoire. D'un même geste il avait glissé la broche de sa manche jusque dans sa main gauche. Dans un sifflement, elle fila dans l'air et s'apposa contre la gorge du mercenaire. 

-Allez, fini de jouer. 

L'autre le fixa, éberlué avant d'éclater d'un rire gras 

-AhhHHH d'accord, c'est d'ça qu'il s'agit ? Il est dans l'coup l'autre aussi ? Bordel de merde... Mais tu crois faire quoi avec ton p'tit joujou hein, AU JUSTE ? 

Quelques postillons atteignirent la face de Serafim qui grimaça de dégout. Un sourire glacial étira ses lèvres et il secoua doucement la tête, augmentant la pression. 

-Ce "joujou" est l'une des plus fines lames Jung. En plus de valoir une fortune, elle est parfaitement aiguisée pour vous vider de votre sang. Ce serait dommage, vos hommes de main semblaient tellement préoccupés par les danseuses... 
-Si tu penses m'impressionner gamin. 
-Vous vous êtes laissé attraper, par ce "gamin". 

Il le sentit s'agiter sous sa paume. Serafim la leva un instant et lui décocha un poing puissant, juste en dessous des côtes. Un grognement douloureux et Garou cracha sur sa botte, pestant avec violence. L'ange n'attendit pas et lui attrapa l'angle de la mâchoire pour lui relever la tête, appuyant l'aiguille dans ses chairs. Il n'était peut-être pas bien fort et la présence de Seth lui assurait victoire, mais sa précision n'avait d'égal que sa soif de vengeance. 

-ArHHhh pUtAIN c'tait nécessaire ? T'ES QUI ? TU VEUX QUOI ? 
-Shhh baisse d'un ton. Le monde a moins besoin de toi que tu ne le crois. 

Souffla Serafim en se rapprochant tout prêt de son oreille

-Main-te-nant. Tu vas gentiment me dire, est-ce que vous êtes responsables de l'enlèvement du Prince Liano ? 

Un silence ou il le fixa, écarquillant les paupières en grimaçant 

-Hein ? C'est d'jà de l'histoire ancienne. 
-Parle. 

Ses prunelles s'éclairèrent, mais c'était de colère. Le métal passa la barrière de la peau, petit crissement qui l'indiquait suivit d'un gémissement. 


-rrrhaAA SALE PUTAIN y'a rien'à dire- on'était nombreux, on'a été payé 
-Par qui ? 
-...
-PAR. QUI ? 
-Tri..vial. 
-HEIN ? 

L'agressivité glaciale dans sa voix dénotait avec tout ce qu'il était. Lui-même ne savait pas d'où cette rage sortait. Peut-être était-ce toute la violence à laquelle il avait fait face, il comprenait mieux comment on pouvait devenir des rebus, des criminels, des assassins. A la mention de ce simple mot, ses pupilles se réduisirent à deux fentes et il tourna la tête vers Seth, ouvrant la bouche pour en savoir plus. 
Seconde d'inattention qui lui couta son prisonnier qui le remarqua et se débattit soudainement avec énergie. Un pied écrasa son tibia et il décocha un poing contre sa tempe. Sonné, Serafim tomba en arrière, son corps rencontra le pavé et il serra la mâchoire. Des étoiles cramèrent sa vision et il aperçut la silhouette de Garou s'enfuir de l'autre côté. Il tourna à l'angle de la rue

-Merde.. Seth-SETH IL S'ENFUIT- Il faut-Il faut, RATTRAPE LE 

S'écria t-il en tentant de se relever, secouant vivement la tête. Il ne serait pas capable de se remettre à temps mais Seth était en pleine possession de ses capacités. Et puis, ils étaient dehors. C'était leur seule piste, il ne fallait pas le laisser filer... Surtout pas. 

Encore à terre, Serafim n'eut pas le temps de réagir. Tout s'était déroulé si vite. 

Le souffle brûlant le fit s'aplatir au sol, les mains autour de sa tête pour se protéger des flammes incontrôlables qui suivaient Seth comme des oiseaux mortels. Il se redressa, mortifié en voyant la face déformée de Garou s'enflammer avec violence. La ruelle si sombre s'éclaira de sa lumière et un cri déchira sa gorge. NON ! 
Les deux silhouettes noires tombèrent quelques mètres plus loin et Serafim tituba. C'était... Trop ! 

-SETH ARRETE ! 

Hurla t-il, mais l'autre n'entendait rien. Il ne voyait rien. N'écouterait pas. Il avait perdu la raison et semblait en proie à une colère si froide. L'ange tenta une approche, prêt à se jeter en avant pour les séparer mais les flammes de Seth sifflèrent à ses oreilles, fouettant la main qu'il tendait en protection. Oww gémit-il en reculant, incapable de s'approcher plus. 

Pourquoi. Pourquoi est-ce qu'il ne l'avait pas senti venir ? Pourquoi ne l'avait-il pas vu ? Il s'était tant préoccupé de sa propre personne qu'il n'avait pas fait attention à son partenaire, à cet homme  Si fort. Tellement fragile. La force de sa colère l'étoufferait presque, dans cette rue soudain étroite, horrifiante par les étincelles qui menaçaient de tous les dévorer. 

-Arrête...

Gémit-il. Il allait le tuer. Il en était certain, il allait le tuer. Il n'y avait aucun doute, leur seule piste, SA seule piste. Soudain, au-delà de la surprise et des sentiments, une colère froide lui comprima la poitrine. C'était SON histoire, SON enquête, SA VIE. Sa foutue vie qui partait en fumée, qui s'étouffait dans la peur, la salive, les flammes d'un prince violent et assoiffé. La garde arriva de l'autre côté de la rue, surprise et incapable d'avancer à cause du feu, criant des choses incompréhensibles dont Serafim était sourd. Ils dardèrent leurs lances en direction du prince Trivial, le menaçant d'arrêter. Pourquoi n'écoutait-il pas ?! 

Ils étaient en danger. Tout le monde. Qu'avait-il engendré...? Serafim observa la fine lame briller entre ses doigts. Pouvait-il...? Non, il ne voulait pas lui faire du mal.

Il recula de quelques pas, incapable de prendre une décision qui serait la bonne. Fuir ? Rester ? L'arrêter ? Mais comment...? Et- 
Ses pensées furent interrompues par une main qui se posait sur sa bouche, le tirant vivement vers l'arrière. Ses yeux bleus s'ouvrirent grands et il se débattit, sentant un couteau contre son dos appuyer fort. Qui...? Il tourna la tête pour voir une face encapuchonnée se pencher de côté. 

...

Glacé, il cessa de se débattre, ses prunelles se noyant dans la peur du visage qui le dévisageait, sourire aux lèvres. Ses entrailles se tordirent, de grands tremblements l'agitèrent tout entier mais il ne pouvait. Pas. Bouger. Il était tétanisé, enveloppé contre sa cape, l'homme recula, encore, encore, jusqu'à bifurquer dans une autre rue sombre et le poussant à avancer sous la menace de son arme qui continuait de s'enfoncer entre ses côtes. 

-Comment on se retrouve, prince Ygra ? 

Siffla la voix à ses oreilles, mais Serafim était incapable de l'entendre. Mais ce n'était pas de folie, ni de haine. C'était la peur qui le rendait sourd.